Destins de l’amour

Destins de l’amour de transfert

Francisco Rengifo

L’amour de transfert est un sujet sur lequel la psychanalyse porte un intérêt toujours renouvelé, et ce n’est pas pour rien que Lacan lui a d’abord consacre une année de son séminaire, pour lui attribuer ensuite un statut de concept fondamental de la psychanalyse, tout en lui donnant la place de pivot de l’expérience, suivant par là le chemin tracé par Freud.

L’expérience du transfert est une expérience unique, et tous ceux qui y sont confrontés ne cessent de se demander quelles sont les raisons qui conduisent à fréquenter pendant des années, voir des décennies, quelqu’un que l’on appelle psychanalyste afin de mieux comprendre ce qui cloche, ce qui boite, ce qui ne va pas dans nos petites misères personnelles…

Le transfert étant la « mise en acte de la réalité de l’inconscient »[1], il se supporte et met en jeu une clinique du « pas tout », comme nous allons essayer de le montrer. Ainsi, à la fin de l’analyse, le transfert permet le passage à la contingence, à ce moment où s’introduit la question du « pas tout » qui contamine jusqu’à la vérité qui devient menteuse. C’est le moment où le sujet qui venait voir un analyste pour trouver sa vérité, fait l’expérience de ce qu’on ne peut pas la dire toute. Il n’y croit plus à cette vérité qui jusque-là pouvait faire sa passion.

Nous dirons que l’amour du transfert qui apparaît d’abord sur le mode du nécessaire, produit, au cours de l’analyse et des effets qui opèrent sur le sujet en quête de sa vérité, l’ouverture de la dimension du pas-tout et de la contingence qu’il implique. On pourrait dire que la vérité comme contingence est l’un des noms de la fin de l’analyse.

La fin de l’analyse suppose le passage de la nécessité de l’amour d’exception qu’est l’amour de transfert, « amour véritable » au dire de Freud, à la contingence du « pas tout » de la vérité.

Dans un passage des « Observations sur l’amour de transfert », on peut voir l’importance donnée par Freud à l’amour de transfert comme répétition des liens libidinaux infantiles. Freud insiste sur le fait que cette répétition est ce qui donne aux amours du sujet à l’âge adulte son caractère pathologique. La fixation à ce modèle de lien amoureux installé depuis l’enfance, à partir du complexe d’Œdipe, est pour Freud ce qui donne au lien amoureux une orientation symptomatique à l’âge adulte :

« …l’amour qui devient manifeste dans le transfert ne mérite-t-il pas d’être considéré comme un amour véritable ? (…) il est exact que cet état amoureux n’est qu’une réédition des fait anciens, une répétition des réactions infantiles, mais c’est là le propre même de tout amour et il n’en existe pas qui n’ait son prototype dans l’enfance. Le facteur déterminant infantile confère justement à l’amour son caractère compulsionnel et frisant le pathologique »[2]    

Freud ne souligne-t-il pas ainsi que la fin de l’amour véritable qui s’instaure dans l’analyse, serait, la possibilité pour le sujet « d’aimer autrement » ? Le sujet pourra d’autant plus « aimer autrement » qu’il vient à l’analyse pour démonter cette version mensongère de l’amour, issue de la névrose infantile.  

Pour Lacan, l’amour de transfert est lié à la supposition du savoir faite à l’analyste. Lacan introduit le concept du sujet-supposé-savoir pour désigner le lieu où le névrosé s’adresse dans la nécessite de trouver une réponse au savoir qui rate en lui. Il y a un lien étroit entre sujet-supposé-savoir et transfert dans la mesure où l’analyste, situé dans le lieu de l’Autre, devient le lieu du transfert de savoir que le sujet porte mais qu’il méconnaît: le savoir de l’inconscient.

Le savoir qui met en jeu le transfert est toujours un savoir de l’Autre et il n’y a pas d’analyse possible du transfert en dehors de cette assignation de savoir supposé dans le lieu de l’Autre.

Le concept de sujet-supposé-savoir est éminemment lacanien…. C’est un concept qui n’a pas d’équivalents théoriques dans d’autres orientations de la psychanalyse. On pourrait dire qu’il est implicite dans la règle fondamentale freudienne mais il n’est pas explicite dans les textes de Freud. Le concept de sujet-supposé-savoir produit donc une sorte de déplacement du concept de transfert dans le sens où Lacan insiste plutôt sur les liens entre l’amour et le savoir.

À partir du moment où il y a un sujet-supposé-savoir, il y a du transfert, dit Lacan dans le séminaire sur les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Un peu plus tard dans le séminaire « Encore », il dira que la supposition de savoir est inspiratrice de l’amour : « Je ne puis pas manquer de marquer la résonance nouvelle que peut prendre pour vous ce terme de savoir. Celui à qui je suppose le savoir je l’aime »[3]

Nous serions d’emblée autorisés à affirmer que ce qui noue et configure cet amour de transfert est une quête, une recherche parfois désespérée, du savoir sur les causes du malaise d’exister. On existe et la souffrance est l’une des façons de s’approprier le fait d’être vivant.

Dans l’analyse, la souffrance du symptôme se présente d’abord comme une défense contre l’impossible. Pourquoi souffre-t-on ? En général, le sujet s’arrange pour trouver un corrélat à sa souffrance, C’est l’Autre qui est rendu responsable de son malaise… Il souffre d’être aimé ou de ne pas l’être assez, de ce qui se répète en lui ou de ce qui survient de nouveau, d’étranger, de ce qu’il sait comme de ce qu’il ignore, d’avoir ou de perdre, bref, tout peut être cause de souffrance…

Un mot d’esprit résume de manière assez comique le rapport qu’entretient avec son symptôme le patient qui vient voir un psychanalyste: au moment d’être interrogé sur les raisons qui le mènent à consulter, le patient répond à l’analyste : « Écoutez, ma vie est parfaite, j’ai une femme remarquable, mes enfants se portent très bien, ma vie familiale est extraordinaire, l’entreprise que je gère marche comme sur des roulettes, enfin tout est parfait, mais vous savez docteur ? Vous n’imaginez pas combien cela peut être angoissant ! »… Cet exemple nous montre que même le fait de ne pas souffrir peut être en soi une cause de souffrance…

La recherche est donc une recherche de savoir sur la raison de cette souffrance. Telle est la question qui insiste, de manière pressante, dans la demande de celui qui se lance dans l’expérience d’une analyse tant il est dépassé par le savoir de l’inconscient qui lui échappe.

Le mouvement transférentiel qui instaure le sujet-supposé-savoir suppose que « quelque part dans l’Autre ça sait[4]». Il suppose qu’il s’agit d’un savoir qui est déjà écrit, figé, et que le psychanalyste est censé savoir le débusquer.

Ainsi, dans l’expérience du transfert, l’amour se dirige vers le savoir, l’amour s’adresse au savoir. On peut affirmer cela d’autant plus que l’amour, narcissique par nature, s’adressera au savoir supposé de l’analyste dans l’espoir d’organiser et de compléter ce qui manque dans l’image du corps propre. C’est une tentative du sujet d’obturer le trou inhérent à sa structure, constitutif de son statut de sujet et corrélatif de l’expérience de l’être dans le monde.

Lacan a énormément insisté sur la place du savoir dans les modalités du transfert. Dans le Séminaire « les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse », il souligne que l’analyste est supposé aller à la rencontre du désir inconscient aussi longtemps qu’il est supposé savoir. Aller à la rencontre de ce savoir, en marge de la conscience du sujet, est l’aspect fondamental du pari de l’analyste, pari également partagé par le sujet.

Cette question du savoir en relation avec le désir inconscient est essentielle car elle est ce qui mobilise les intentions du sujet vers la recherche de ce qui le divise, et qui se trouve être, in fine, la raison même de la souffrance. L’on pourrait dire aussi que le concept de sujet-supposé-savoir est introduit par Lacan comme une forme de réponse à l’illusion de l’autoconscience du sujet hégélien, le Selbsbewusstsein[5]…. Le sujet de l’autoconscience hégélienne est purement fictif, dans le sens où le savoir absolu n’est qu’une supposition. L’expérience de l’inconscient freudien démontre, sans ambages, qu’il n’y a pas de sujet de la conscience de soi, le sujet hégélien de la conscience absolue n’est qu’une hypothèse.

Cette ouverture initiale du processus transférentiel par la mise en place du sujet supposé savoir se présente donc comme quelque chose de l’ordre du nécessaire. La place privilégiée du sujet-supposé-savoir est de l’ordre du nécessaire, nécessaire entendu ici selon les modalités logiques d’Aristote, c’est-à-dire comme quelque chose qui ne peut pas ne pas être, ou qui ne peut pas être autrement. Cette forme logique de la nécessité s’articule dans l’expérience comme répétition du symptôme transférentiel.

Dans le séminaire Encore, Lacan utilise les modalités logiques d’Aristote pour rendre compte de la position du sujet dans le registre de l’amour.

 Dans la logique d’Aristote[6], il y a quatre modalités logiques qui déterminent un événement. Quatre modalités possibles par le biais desquelles un événement se réaffirme dans la réalité :

  • Le contingent qui est ce qui est susceptible d’être ou de ne pas être, de se produire ou de ne pas se produire.
  • Le nécessaire qui est ce qui ne peut pas ne pas être ou qui ne peut pas être autrement.
  • Le possible qui est ce qui peut être, exister, se produire ; ce qui est faisable ou réalisable.
  • L’impossible qui est ce qui ne peut être, soit parce qu’il est irréalisable, soit parce qu’il est contradictoire avec les lois de la nature.

Lacan utilise ces modalités logiques pour rendre compte de la position du sujet vis-à-vis de l’expérience amoureuse, tout en leur faisant subir un certain nombre de modifications et d’inversion de termes. Il s’inspire de la logique pour rendre compte de l’expérience que Freud désigne comme « le seul amour véritable », l’amour de transfert.

 Cette lecture à partir des modalités logiques permet de déduire que, si le début de l’amour de transfert se caractérise par sa condition de nécessaire, la résolution de cet amour se trouve dans un renversement logique vers le contingent. Lorsqu’il n’en est pas ainsi, l’amour de transfert s’entretient à l’infini et il n’y a pas de résolution du lien transférentiel.

Au début d’une analyse, l’amour de transfert se trouve le plus souvent dans une position privilégiée du fait que, pour l’analysant, le Grand Autre qui sait est incarné par l’analyste. Cette attribution de savoir, à ce lieu-là, est le moteur même de l’expérience.

Le virage qui s’opère dans l’analyse produit, chez le sujet, une transformation du savoir supposé à l’analyste. Il se mue, se transforme, en « savoir lire Autrement ». Ce « lire Autrement » rend possible une lecture autre de ce lieu de l’Autre.

On peut se demander si ce « lire Autrement » supposerait le passage du nécessaire au contingent. En effet, si l’analyste n’est que « l’homme de paille » de ce sujet-supposé-savoir cela met en évidence le statut de tromperie de l’amour de transfert. Alors, ce « lire Autrement » dévoile au sujet le savoir qui pourrait éventuellement le désempêtrer de son rapport symptomatique à l’Autre. Lire Autrement met en évidence le fait que l’« Autre-ment ». A la fin de l’analyse, la destitution de l’Autre comme sujet supposé savoir permet au sujet de sortir de sa soumission au circuit infernal des demandes venant de l’Autre, mais au prix que toutes ses certitudes s’effondrent.

Cette destitution du sujet supposé savoir est la conséquence de l’acte de l’analyste, un acte qui n’appartient pas à l’ordre de la vérité, au contraire, il met à nu le fonctionnement de la loi du signifiant, qui fait la vérité pas toute.

Le sujet qui était venu à l’analyse avec une extrême certitude de la mauvaise foi de l’Autre dont il était la victime, par le processus analytique, fait l’expérience qu’il est impliqué dans ce qui lui arrive. Toutes les certitudes qui étayaient sa relation à l’Autre s’effondrent à la fin de l’analyse. L’acte analytique qui mène le sujet vers la subjectivation de la castration, produit, à la fin, le moment où « la vérité est impossible à guérir ».

La chute du sujet-supposé-savoir vient dévoiler le fait que celui qui en savait un bout était l’analysant, et que le savoir détenu du côté de l’analyste n’était qu’une supposition.

Nous voyons donc comment le parcours d’une analyse pourrait se penser en termes d’un passage du nécessaire de la demande  et de la supposition de savoir qui s’en déduit, à la contingence de ce lien renforcé par un amour qui, dans son parcours, démonte la supposition du savoir attribué à l’analyste, avec, pour résultat la destitution du savoir comme tel.

L’objet en cause, l’objet du désir se retrouve dans une position relativisée dans la mesure où le phallus, autrefois convoité, se présente désormais, pour le sujet, et par effet de la résolution de l’amour de transfert, comme un objet de la contingence. L’objet d’amour devient aussi quelque chose de l’ordre du contingent :

«… le rapport sexuel ne cesse pas de ne pas s’écrire. De ce fait, l’apparente nécessité de la fonction phallique se découvre n’être que contingence. C’est en tant que mode du contingent qu’elle cesse de ne pas s’écrire. La contingence est ce en quoi se résume ce qui soumet le rapport sexuel à n’être, pour l’être parlant, que le régime de la rencontre. Ce n’est que comme contingence que, par la psychanalyse, le phallus, réservé dans les temps antiques aux Mystères, a cessé de ne pas s’écrire[7] »

Dans le champ de l’amour, le sujet identifié à l’objet, cause du désir de l’Autre, se trouve soumis aux vicissitudes de la demande d’amour de l’Autre, dans cette identification farouche au phallus maternel. La comédie, tragique, du névrosé est de croire que l’Autre lui veut quelque chose qu’il met en scène dans son fantasme. La clinique met en évidence que ce lien au désir de l’Autre est de l’ordre du nécessaire. Cependant, l’analyse introduit le sujet dans une nouvelle dialectique dans laquelle l’amour s’avère être de l’ordre du contingent, c’est-à-dire de quelque chose qui peut être, mais qui peut aussi ne pas être…. C’est cela qui permet au sujet d’aimer autrement, d’une manière moins symptomatique et moins dépendante du modèle caduque de la névrose infantile. Ce nouveau rapport au savoir est ce qui s’invente en analyse…

De cette vérité se déduit le fait que le sujet constitué dans le lieu de l’Autre, comme étant marqué par le signifiant, abolit tout existence de l’Autre comme garantie de l’objet qui manque : l’Autre est barré, marqué, aussi bien que le sujet, par la castration.

Du même coup se dévoile que le symbolique n’est pas tout…

  Tout ne peut pas se dire. Le champ de l’Autre devient un espace ouvert au-delà de la communication, du sens, de la reconnaissance et de la signification. Ce qui se déduit d’un Autre barré est un sujet barré, un sujet en exil de ce savoir sur la vérité qui le constitue.

De cette opération, de cette reconnaissance de la castration de l’Autre, il y a un reste, l’objet petit a, qui se situe à la place de ce lieu vide qui institue la dimension du transfert, car c’est avec son propre manque que le sujet aime…. Aimer, c’est donner ce que l’on n’a pas…, et la contingence, dans le champ de l’amour, apparaît à partir du moment où l’on peut vouloir donner ce que l’on n’a pas à quelqu’un qui, éventuellement, peut le vouloir ou ne pas le vouloir. C’est en ce sens-là que l’amour devient contingent.

Le dévoilement de ce nouveau savoir en transformant le rapport du sujet au savoir, produit la disparition de l’analyste comme tel. Celui-ci n’opère plus pour le sujet comme supposé savoir, il n’est plus objet cause du désir. Ce sont les coordonnées qui offrent au sujet la possibilité d’un moment pour conclure, un moment où le non su donne son cadre au savoir dans la reconnaissance de l’inconsistance de l’Autre.

Quant à la spécificité du symptôme à la fin de l’analyse, Lacan indique, non sans un certain air de résignation, qu’à la fin ce qu’on peut faire de mieux, c’est de s’identifier :

 « Alors qu’est-ce que ça veut dire connaître ? Connaître veut dire savoir faire avec ce symptôme, savoir le débrouiller, savoir le manipuler, savoir, ça a quelque chose qui correspond à ce que l’homme fait avec son image, c’est imaginer la façon dont on se débrouille avec ce symptôme. Il s’agit ici, bien sûr, du narcissisme secondaire, le narcissisme radical, le narcissisme qu’on appelle primaire étant dans l’occasion exclu. Savoir y faire avec son symptôme c’est là la fin de l’analyse. Il faut reconnaître que c’est court. Ça ne va vraiment pas loin.[8] »

On peut s’apercevoir comment le parcours d’une psychanalyse se déroule à partir d’un modèle de temporalité qui garde une importante analogie à celui du temps logique[9], du fait que ce qui est mis en jeu est la question du surgissement d’un savoir jusque-là inédit pour le sujet.

Instant de voir, temps pour comprendre et moment de conclure vont marquer le rythme de l’analyse et de chacune des séances, de telle sorte que le temps pour comprendre va être établi par la mesure imposée par le sujet lui-même, et va maintenir le moment de conclure en suspense, ce moment qui viendra après-coup.

Ainsi, le virage du nécessaire au contingent, dans l’expérience de l’amour de transfert, se réalise dans le fait que la« vérité ne se découvre pas, elle s’invente… Ça s’appelle un savoir ![10] »…

« Maintenant je sais que vous ne savez rien »… « Bravo, maintenant vous savez tout ! » 


[1] Lacan, Jacques. Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Éditions du Seuil, Paris, 1973.

[2] Freud, Sigmund. Observations sur l’amour de transfert. In « La technique analytique » PUF, Paris 1999.

[3] Lacan, Jacques. Séminaire XX Encore. Éditions du Seuil, Paris, 1975, p. 64

[4] Ibid, p. 81.

[5] G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l’esprit, Paris, Gallimard, 1993.

[6] Aristote.Organon, Paris, Librairie Philosophique J. Vrin, 1960.

[7] J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, op. cit., p. 87.

[8] J. Lacan, L’insu qui sait de l’une-bévue s’aile à mourre. 1976-1977, Séance du 16 novembre 1976 inédit.

[9] J. Lacan, Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée. In Ecrits, Paris, Le Seuil, 1966. 

[10] J. Lacan, Les non dupes errent (S XXI), 1973-1974, Séance du 19 février 1974, inédit.

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